Nouvel uppercut dans le monde du noir. Un texte très dense, court, et qui file à toute vitesse. « Hors la nuit » de Sylvain Kermici me fait penser à « Moscow« d’Edyr Augusto ou « Hécate« de Frédéric Jaccaud de par sa forme. La description de la paranoïa, portée par un rythme syncopé, des mots ciselés, l’absence quasi totale d’adjectifs, du brut, du concis, de l’efficace. C’est l’histoire d’un jeune homme qui plonge et qui nous plonge dans une étouffante angoisse, dans sa propre folie. Un type sans amis, sans famille, exceptée une belle-sœur dont il va devenir obsédé au fur et à mesure que son espace se ressert, que sa visibilité disparaît, que sa démence prend corps. Le lecteur est happé par les descriptions de son état mental et s’interroge quand à sa propre « normalité ». Inquiétant, fulgurant, magnifique.
« Vous traînez dans la gare. Nulle envie d’acheter un billet. Vous goûtez simplement l’atmosphère de ruche effervescente. Les gens montent et descendent des trains, se croisent dan s le hall sans manifester la moindre émotion. Ils se déversent en grondant au-dehors, dans l’avenue obscurcie par l’orage naissant, ou dans les tunnels d’accès au métro. Ils glissent sans s’arrêter le long des murs, vers le soir et la nuit. C’est la vie, la vie et son organisation, c’est la façon dont les choses se sont mises en place, à l’infini, c’est la vie et son indicible menace, son malheur toujours sur le point d’arriver… »
Un très beau texte qui redonne du crédit à la Série Noire de Gallimard.
Sylvain Kermici – Hors la nuit – Gallimard 2014