●●●●○ Moonlight Mile from Boston

Dennis Lehane ramène Kenzie et Gennaro aux affaires dans « Moonlight Mile« , enfin, pas à n’importe laquelle, à celle retranscrite dans « Gone, Baby, Gone« … toujours à Boston, toujours avec une excellente bande-son rock. Comme Kenzie et Lehane sont quasi jumeaux, les conséquences de l’histoire narrée en 1992 se jouent dans le Boston d’aujourd’hui (en 2010, temps de traduction et de parution française obligent), avec le portrait des États-Unis de la crise des subprimes. Kenzie a vieilli, devenu quadra, il revisite encore une fois le thème de l’enfance maltraitée au travers du portrait d’Amanda McCready, qui à 16 ans est à la fois brillante élève, plus que mature et torturée par son enfance et les conséquences des actes de Kenzie en 1998. Kenzie ne cesse de se remettre en question eu-égard à son choix d’alors, revisite les trajets des personnes croisées dans le Boston de 1998, tout cela, sur fond d’une ville transformée par l’évolution de la misère. Lui-même, devenu père (comme Lehane) d’une fillette de 4 ans, s’interroge sur son travail, celui d’Angie, et leurs avenirs d’ici 10 ou 20 ans : « Aujourd’hui, il suffit de poser une question toute simple ou de faire une remarque innocente pour se retrouver noyé sous un déluge de fureur et de désespoir. Personne ne comprend comment on en est arrivé là, personne ne peut expliquer ce qui s’est passé? c’est comme si on s’était réveillé un beau matin pour découvrir que toutes les plaques de rues avaient disparu, que tous els systèmes de navigation étaient hors circuit. Il n’y a plus d’essence dans la voiture, plus de meubles dans le salon et l’empreinte dans le lit à côté de nous a été effacée« . Lehane, formidable auteur contemporain, nous montre tous les doutes d’un citoyen du monde, au travers de l’image désagrégée de feue l’Amérique triomphante, au travers des rues, des lotissements et des bars du Boston du XXIème siècle. Lehane a vieilli, l’inquiétude de Kenzie vis-à-vis de sa fille, de sa famille, la déprime ambiante, la fin d’un monde transpirent l’état d’esprit d’un homme qui s’interroge vraiment sur les choix de notre société. Au milieu de cette évolution rapide, la seule chose qui ne semble pas changer est l’état décérébré de tout adolescent « Nous avions derrière nous à peu près cinq mille ans de civilisation, vingt siècles au moins s’étaient écoulés depuis la création de la bibliothèque d’Alexandrie (…), nous disposions d’ordinateurs de poche permettant d’accéder à toutes les richesse intellectuelles du globe -, mais à en juger par la conversation des filles réunies dans cette pièce, la seule avancée notable que nous avions faite depuis l’invention du feu, c’était la transformation de « quoi » et « trop » en mots fourre-tout servant aussi bien de verbe que de nom ou d’article, voire de phrase entière au besoin« . Comme d’habitude avec Lehane, le livre est superbement écrit et on ne lâche rien jusqu’au bout, même si le rythme d’un quadra est un poil moins speedé que celui d’un trentenaire, « Moonlight Mile » entre directement dans mon top 5 de l’année 2011 ! Lehane prend le temps au détour du portrait d’un meurtrier de rendre hommage à Donald Westlake en le nommant Richard James Stark et reste désemparé devant la société de consommation : « ce n’est pas que les gens soient prêts à vendre père et mère pour un million de dollars qui me dépriment, c’est qu’ils le fassent pour un billet de dix.« 

Moonlight Mile by The Rolling Stones on Grooveshark
Dennis Lehane – Moonlight MileRivages 2011

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