Attica Locke. Retenez ce nom. Un talent brut, fort pour un polar qui réussit la synthèse de l’Histoire récente du Texas, des revendications sociales, des inégalités raciales, du cannibalisme politique, du vampirisme des pétroliers et des attentes d’un monde meilleur. Nous sommes à Houston en 1980. Le conflit entre dockers et magnats pétroliers monte en tension. Jay Porter, avocat des petites causes se retrouve témoin malgré lui d’un meurtre lors de l’anniversaire de sa femme. Resurgissent tel un reflux, les images de sa jeunesse militante, de la difficulté d’être noir au pays de l’or noir.
Le roman parle de lutte des classes et des manières de faire, ce livre est un combat politique « Des hommes et des femmes qui se sont battus pour défendre leurs idées, (…) jeunes et naïfs au point de croire qu’ils pourraient élever la voix contre une superpuissance », « La liberté politique, la liberté de parole et même la Constitution : rien n’était garanti. », « Elle lui fait du bien, cette colère, elle atterrit sur sa langue avant de fondre comme une pilule chaude et amère. Il la sent monter, il se souvient de son pouvoir, de cette capacité de lui vider la tête. », une langue qui roule et coule…
Attica Locke brosse avec « Marée Noire » un portrait de Houston aussi boueux que les bras du marigot qui la traverse, avec ses quartiers pauvres, son centre-ville upper class et sa banlieue banale, mais surtout avec ses petites gens confrontés en permanence à l’absence totale de philanthropie des pétroliers texans. Rien de nouveau sous le soleil moite de la cité pétrolière, beaucoup de trafics montrés du doigt, une justesse de la pensée humaine et du combat des noirs états-uniens, entre religion et marxisme, une série de portraits finement dessinés et une prose qui déroule, du bonheur à l’état brut.
Attica Locke – Marée Noire – Gallimard 2011