Le 1er roman de Karim Miské est un polar urbain qui se déroule quasiment intégralement dans le 19ème arrondissement de Paris. Un pays universel, un univers cosmopolite, toutes les odeurs et tous les extrémistes se côtoient : kebab, sushi, salafiste, hassidique loubavitch, témoin de jéhovah, béton, vieilles pierres et herbes folles. C’est surtout l’histoire universelle de chacun, tant Karim Miské peaufine avec talent les portraits de ses personnages d’« Arab Jazz ». On oublie la géographie au profit de l’histoire et de la culture des peuples, tous migrants, tous arrivés à Paris, capitale des exilés… Entre psychothérapie, analyse de mœurs, sociologie et magie des êtres, « Arab Jazz » nous promène dans la grande histoire des peuples et la petite histoire des sectes qui ont réussi. En effet, chaque personnage est non seulement un enfant de migrant, mais il est aussi un enfant d’une culture, d’une religion, qui parfois interfère avec ses désirs d’être libre et consumériste du XXIème siècle. Au départ, il y a Ahmed, un mec un peu dépassé par sa vie, un rêveur qui partage son temps entre lecture de polars et écoute de jazz, qui plane au-dessus des regs et des ergs, qui parcourt son arrondissement de long en large avec parfois une escapade… dans le 18ème. Au final, l’histoire importe peu, la description des êtres nous amène de belles réflexions sur les parcours des Ahmed, Laura, Rachel, Jean, Aïssa, Sam, Bintou, Aïcha, Paul, Rébecca, Kevin… bien sûr, Karim Miské évoque les trafics internationaux (drogue et opium du peuple), les flics ripoux, les flics honnêtes, mais il parle surtout des citoyens du 19ème, concierge, libraire, coiffeur, chômeur, psychologue, d’un univers partagé, sur fond d’un jazz de romans noirs. En somme une histoire universelle, un scénario qui part tous azimuts (parfois trop), un fond brillant et bien écrit, dans une collection toujours plaisante.
Karim Miské – Arab Jazz – Viviane Hamy 2012