« Rien ne se perd« , rien ne se crée et pas certain que quelque chose se transforme… La France n’a toujours pas admis la décolonisation, reste un État centralisé où l’autre est étranger dès qu’il est situé de l’autre côté du périph’… À partir de ce poncif, Cloé Medhi nous raconte avec vivacité, talent et explosivité la dérive de Mattia. Mattia a 11 ans, orphelin de père, abandonné par sa mère, il cohabite avec Gabrielle, éternelle suicidaire et Zé, poète et gardien de nuit qui l’a recueilli. Tous ces personnages ont une fêlure. L’origine de ces fêlures est un mal-être lié à un épisode de la dérive de notre société. Et si Mattia, au cœur de l’histoire, raisonne avec déjà une certaine maturité, c’est qu’il porte en lui les stigmates de la dépression et de la mort de son père. À partir d’un fait divers devenu banal, une bavure policière entraînant la mort d’un jeune banlieusard, Cloé Medhi construit un roman avec une intrigue, des personnages, une écriture de belle facture qui, s’il ne donne pas foi en l’avenir nous la donne en littérature ! Une écriture rapide, concise et fluide, un style qui en musique se rapprocherait de Keny Arkana, une vraie découverte qui ne peut laisser indifférent.
Un excellent roman noir qui pointe la dérive d’une société où les mots justice, égalité, fraternité ont disparus hors frontons des mairies et écoles… où l’autre n’est jugé que sur son aspect et non sur les faits. Une parole libre, sans pathos, froide et acérée qui nous emmène au bout de l’humanité. Cloé Medhi est une très jeune auteur qui défend avec acharnement sa liberté d’écrire et d’être libre. À suivre donc, mais d’entrée, ne boudons pas notre plaisir de lire et relire « Rien ne se perd« .
Cloé Medhi – Rien ne se perd – Jigal 2016