« Les 2001 nuits » de Rolo Diez est plus qu’un polar, c’est une hallucinante fable sur notre monde ultra-libéral, ultra refermé sur lui-même, pitoyable. Ce livre, « ironique, burlesque et terrifiant, dénonce l’absurdité des systèmes politiques » et économiques « gangrenés par la corruption et gagnés par la folie ». C’est un conte immoral où le « héros », Kaluf chilango d’origine libanaise a le malheur de rentrer de New-York au matin du 11 septembre 2001… à partir de là, sa vie tranquille de boulanger dans le vieux quartier de Tepito et de père de famille aspirant juste à la présidence du centre social libanais bascule dans le n’importe quoi. Désigné comme terroriste type par le brillant commandant Saldana – au seul motif de son origine, Kaluf doit fuir les policiers, sbires d’un régime à la solde des Etats-Unis, les narco-trafiquants qui lorgnent sur son local pour entreposer de la marchandise, sa femme comme sa maîtresse totalement irascibles… et ne peut au final ne compter que sur lui-même pour échapper à une mort certaine. L’humour est très présent, c’est un humour noir, ironique à souhait où percent de belles vérités « Que s’était-il passé ? Kaluf n’ignorait pas qu’au bout de dix ans les esprits de l’amour peuvent devenir chauves devant une pile d’assiettes sales et se couvrir de rides devant l’absence de surprise (…) Intensité et jeunesse sont des fleurs de printemps« . Les portraits au vitriol des différents belligérants [oui, nous sommes en guerre dans ce roman], l’ambiance explosive des rues de Mexico, les ficelles et magouilles que nouent et dénouent les profiteurs de trafics en tout genre donnent une énergie fantastique au livre et donc au lecteur… qui n’ira pas forcément passer ses congés dans la capitale aztèque.
Rolo Diez est un auteur argentin exilé au Mexique ; il nous récite ici la litanie d’un peuple perplexe face aux décisions de ses gouvernements, l’enfermement volontaire de nos pensées façonné par les délires ultra sécuritaires de pseudo démocraties.
Rolo Diez – Les 2001 nuits – Rivages, 2010