Marin Ledun après s’être superbement attaqué au monde du travail et au stress généré par notre folie d’exploitation avec « Les visages écrasés », nous confronte au monde des nano et des biotechnologies « Dans le ventre des mères ». Autant, l’intense écriture et le style direct de son précédent roman nous entraînaient avec force dans l’horreur du travail sous pression, en abordant la longue descente aux enfers d’une médecin en charge de la santé de salariés qui ne voyait que le mal-être de ceux-ci, leur désespoir – au sens premier -, autant, « Dans le ventre des mères » sonne creux. Peut-être le reflet d’une déception, il est toujours difficile pour un lecteur d’aborder un auteur, dont le précédent roman a apporté son lot d’émotions, par un nouvel opus qui, souvent est un ton au-dessous. Ceci semble humain. Mais, pour « Dans le ventre des mères », je ne suis jamais réussi à me détacher de l’aspect aventuresque de la quête du commandant Vincent Auger. Explication : Marin Ledun dénonce le bouleversement de l’être humain par l’apparition de l’usage des nanotechnologies et des biotechnologies. Il souhaite témoigner avec vigueur contre notre technocratie qui, à l’instar de l’énergie nucléaire, nous refile sous couvert de progrès, un lent et long poison qui va bouleverser l’humanité et déséquilibrer notre planète. Le combat est juste, l’apport d’une plume de talent est un plus, la forme du roman dessert ce combat, en instillant une trame de thriller à la JG.Grangé un poil abracadabrantesque. L’histoire démarre par une catastrophe dans un bled d’Ardèche, une centaine de personnes sont découvertes mortes après une série d’explosions. Ces personnes étaient inconnues et les autorités en charge de l’enquête ont du mal à identifier les victimes, à les rattacher à la vie d’un village… Peu à peu, entre l’idée d’une secte retranchée ou d’une expérimentation médicale, se fait jour que ces inconnus ne le sont pas pour tout le monde et que la sphère militaro-politique est de connivence avec quelques savants fous… Toute ressemblance avec le déploiement des technologies de pointe de ce dernier siècle étant forcément un pur hasard. Mais l’équation « grand secret » + « eugénisme » + « individus marginaux testés comme cobaye » + « complot international » + « affairistes véreux et politicards complices » + divers ingrédients, sent la resucée et le grand spectacle à peu de frais. En clair, le sujet de Marin Ledun se délite dans le sensationnel avec une histoire qui nous trimbale dans tout Rhône-Alpes (Lyon, Grenoble, Privas…) sans détails, puis à Berlin, Zagreb, Rome toujours sans aucune description de ces lieux. Le plus gênant est l’absence de profondeur des personnages, dont le caractère est à peine esquissé à l’exception des deux personnages principaux. Au final, un regret, car ce roman possède une matière énorme, se veut une dénonciation des apprentis sorciers que nous sommes, du manque de démocratie qui perdure et sonne platement car on a du mal à croire à cette aventure grandguignolesque. Dommage, d’autant que la langue de Marin Ledun reste de belle ampleur.
Marin Ledun – Dans le ventre des mères – Ombres Noires 2012