●●●●● Aucune vérité n’est bonne à dire

Steve Villani est commissaire, chef de la brigade des homicides de Melbourne. Été 2009, la canicule accable Melbourne et échauffe les hommes, de violents incendies détruisent peu à peu les environs de la métropole australienne. La ville a mué en deux décennies, les drogues se sont multipliées, leur trafic aussi entraînant crimes et racket. La ville, très présente au fil des pages, n’est plus un gage de sécurité. Entre soirée chic et prostitution de mineures pour les puissants, planques sordides de la pègre, jalousie entre flics, crise familiale…
Un cri de désespoir sur la condition humaine.
Peter Temple poursuit le chemin des démons intérieurs de son héros, Steve Villani, après « Séquelles » (2008). Plus qu’un polar, « Vérité », exploite les failles de l’homme, ses erreurs, ses combats anciens, la dichotomie entre ses rêves et la réalité, ses mensonges avec lui-même, sa famille, ses collègues et nous plonge dans un pessimisme permanent et ce, pendant 440 pages.
C’est une histoire de frangins, les trois fils de Bob Villani, ancien du Viet-Nam, taciturne, dur, costaud, passionné de chevaux. L’aîné, Stephen, est de fait le responsable de ses plus jeunes frères, sous l’emprise du père. La quarantaine entamée, alors qu’il n’est que flic, et ses frères, médecin et commentateur hippique, il continue à se sentir responsable d’eux, comme de son père. C’est l’histoire d’une forêt qu’ils ont créée ensemble et qu’il faut sauver des flammes.
C’est une histoire de faux-frères, collègues de police, tous issus des mêmes histoires, tous borderline, qui, pour certains ont atteint le pouvoir, pour d’autres guerroient pour y parvenir et Villani, arc-bouté sur ses principes et un peu naïf, joue la boule de flipper.
C’est une histoire de trafics, de drogues, de femmes, jeunes, étrangères, perdues. Les cadavres s’amoncellent, les enquêtes patinent un peu sur fond de flash-back d’autres enquêtes. La description de la corruption massive des élites dessille notre regard sur une Australie idyllique.
C’est une histoire de famille qui se délite, entre un vieux couple, des enfants qui grandissent trop vite, une qui marche à contre-système et qui se perd, loin de son père…
C’est l’histoire d’une ville, Melbourne, aux politiciens aussi véreux que les flics, une ville corrompue jusqu’à la moelle.
Tout s’entrecroise, la vie personnelle de Villani, les guéguerres des polices, les enquêtes, le passé, le présent, les ambitions de chacun, la ville et son espace-temps en toile de fond. Tout est noir. Villani avance sur le chemin de sa vérité et sur celle des autres, perdant non seulement ses illusions, mais surtout des amis, sa famille.
Non, la vérité n’est pas bonne à dire
Un monument de la déprime, magnifiquement écrit, aucune faille dans le scénario, pas d’échappatoire.
L’enfer, c’est nous… et les autres.

Une période un peu pessimiste, juste après avoir lu « Les visages écrasés » de Marin Ledun, j’ai enchaîné sur cet « hard-boiled » qu’est « Vérité ». Au final, deux très belles œuvres, aussi noire l’une que l’autre, avec deux vrais talents d’écrivains très différents
Un plaisir de terminer l’année sur ce bouquin, un très grand polar, une belle écriture et quelle matière !

Peter Temple – Vérité – Rivages 2012

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