Excellente initiative que celle de Publie.noir qui édite en numérique les deux premières enquêtes de Habib et Sosso, personnages créés par Moussa Konaté. « Le commissaire Habib », publié aux éditions du Figuier en 1998 que l’on retrouve dans la Série Noire avec « l’assassin du Banconi » (nouveau titre pour « le commissaire Habib ») et « L’honneur des Keita » sont des titres épuisés en édition papier. Seul, le dernier de la série, « L’empreinte du Renard » sorti chez Fayard se trouve encore. J’ai donc relu avec plaisir « l’assassin du Banconi », pour moi, le meilleur de ces trois romans. Moussa Konaté, conteur magnifique, griot moderne est un auteur prolixe, mais limite sa production policière à ces quelques romans.
Humaniste et réaliste, Moussa Konaté nous confronte aux réalités de son pays que cela soit Bamako ou le pays Dogon avec « L’empreinte du renard ». Le commissaire Habib est sans aucun doute une facette du personnage de Moussa Konaté, c’est un commissaire posé, à la Maigret, plutôt philosophe et humaniste comme en témoigne l’extrait suivant, alors que Sosso est un jeune inspecteur plein de fougue : Tu verras, mon petit Sosso, viendra le jour où on te demandera d’imaginer les moyens de diminuer la criminalité. (…) Faire en sorte qu’il y ait moins de vols quand il y a de plus en plus de misérables ; faire en sorte qu’il y ait moins d’avortements clandestins quand de plus en plus de femmes n’ont que leur corps à offrir ; faire en sorte qu’il y ait moins de drogués parmi les enfants quand tous les parents baissent les bras et que les familles volent en éclats !
Pour revenir à « l’assassin du Banconi », Moussa Konaté nous promène dans chacune des rues de ce quartier populaire, « excroissance de Bamako », dans les maisons faites de briques et de broc de chacun de ses habitants et nous immerge dans son atmosphère quotidienne. On découvre au fil des pages le rôle des anciens, de l’imam, de la grand-mère, la place du jeu, l’importance du fleuve, du marché, de la débrouille, mais nous dévoile aussi la corruption qui règne à Bamako. Ainsi, après avoir digéré la somptuosité des images exotiques, on se retrouve très vite dans une histoire universelle, celle de l’homme qui, par envie, désir inassouvi, pulsion, saisi plutôt qu’obtient, de manière violente, ce qu’il convoite… d’où l’intrigue policière, mais aussi politique de ce roman.
Un excellent moment passé au son d’un conteur talentueux, pour un polar à l’ancienne, qui nous dévoile une société malienne, riche de son passé impérial, de sa culture plurimillénaire, de son histoire religieuse – n’oublions pas que Tombouctou détient une grande partie de l’histoire coranique comme le rappelait Barouk Salamé dans « Le testament syriaque« , société qui malheureusement possède les mêmes travers que la notre.
Moussa Konaté – L’assassin du Banconi – Le Figuier 1998 / Série Noire Gallimard 2002 / Publie.net 2012
Moussa Konaté – L’honneur des Keita – Le Figuier 1998 / Série Noire Gallimard 2002 / Publie.net 2012
Moussa Konaté – L’empreinte du Renard – Fayard 2006