●●●●○ Beau Danube Blues, ça swingue !

« Beau Danube Blues » est le sous-titre des « Harmoniques » de Marcus Malte, véritable leçon d’arpèges dans le monde du noir. Cela aurait aussi pu s’intituler « Le blues du pianiste qui enquête sur la mort de son égérie, entre massacres ethniques et règlement de compte politique » mais cela aurait été trop long. L’histoire est l’enquête d’un duo, Mister, pianiste de jazz et Bob, taxi sans clients sur le meurtre d’une égérie. L’histoire rejoint assez vite l’Histoire, celle de la Yougoslavie et de son déchirement. La violence est crûe, la symbolique très forte, surtout quand l’enquête mêle velléités de pouvoir, argent sale et mercenaire, le tout entre Paris, Beograd et Vukovar. Tout est approché dans l’histoire, les relations franco-serbes, la richesse des cultures croate, serbe…, l’interpénétration de la mafia et du pouvoir, le développement des trafics entre Beograd et Paris depuis la fin des années 90’s, la douleur et l’absurdité de cette guerre civile, le tout avec pondération, connaissance, humour, en un mot : talent. Le style est flamboyant, musicalement parlant et on sent que Marcus Malte connaît ses classiques du jazz et du blues sur le bout des touches. Un bonheur à lire, tant les phrases coulent avec un humour très pince-sans-rire, deux personnages élégants aux caractères opposés, avec un taxi qui assure la rythmique et un pianiste qui joue les solos, étrange pour un set de jazz, mais totalement crédible dans cette histoire. Les autres personnages ont une importance toute aussi capitale dans le dénouement de l’histoire, les relations familiales et l’effondrement de la culture multi-ethnique de la Yougoslavie sont mises en avant ; ce qui nous rappelle que les européens ont été tous sauf glorieux quand il a s’agit d’aider des peuples en souffrance qui se déchirait à 2000 km de chez nous… (Il est vrai qu’il n’y a pas de pétrole du côté des Balkans).
Un livre à lire assurément, même si après 200 pages, on sent la caricature poindre quand l’auteur s’amuse à réécrire l’ascension fulgurante d’un de nos anciens ministres de l’intérieur, mais la caricature ne peut faire de mal, surtout pas à celui qui l’incarne au quotidien.

Marcus Malte – Les Harmoniques – Gallimard 2011

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