Stuart Neville nous ramène à Belfast, à la suite de ces « Fantômes » avec « Collusion ». On retrouve les mêmes personnages, quelques années après. La période des « Troubles » s’éloigne, mais pas les accointances existant entre pègre, nationalistes et flics. Après avoir dessiné le Belfast aux lendemains des accords de paix de 1998, Neville nous promène dans ses rues avec le mal-être des acteurs qui n’ont plus grand chose à défendre hormis leurs petits trafics. Une histoire bien sombre qui montre que si l’homme se bat rarement pour un idéal, il est prêt à détruire l’humanité pour avoir un peu plus et à manipuler l’autre pour parvenir à ses fins. Neville met l’accent sur le jeu grand guignolesque et donc politique de tous les malfrats, détenteurs ou non d’autorité officielle, qui tous cherchent l’avoir et souvent ne seront plus. Une collusion où flics, loyalistes, Anglais et républicains sont de mèche tant que leurs magouilles rapportent et que chacun n’empiète pas sur le territoire du voisin. L’histoire fait penser à « Retour de flammes » de McKinty mais avec beaucoup plus de profondeur et une écriture bien supérieure. Cela ramène aussi à voir le conflit nord-irlandais ravalé au rang de toutes les guerres, initiées au nom d’un idéal, réalisées pour le profit. Stuart Neville est un vrai pessimiste sur l’avenir de sa ville comme le révèle ses quelques phrases « Les prisonniers des deux camps ont été libérés sans véritable aide ou suivi. Il y a beaucoup victimes de stress post-traumatique, avec des dégâts psychologiques lourds, qui ont du mal à vivre normalement. Et puis, il y a ceux qui n’ont pas arrêté le combat, passant de la lutte armée au crime organisé… Ce sont des gangsters depuis le début, ils ont naturellement glissé de l’une à l’autre. Les loyalistes se sont lancés dans la drogue et la prostitution. Les paramilitaires républicains ont continué à attaquer des banques et à faire de la contrebande avec le Sud. Si les seconds couteaux se trucident entre eux, les chefs s’entendent et se partagent les marchés. Même l’IRA et la police collaborent. » issues d’un entretien au « Monde ».
Un bon thriller dont Belfast et ses environs sont les premiers rôles – avec un final un peu attendu cependant – qui montre que Neville n’est pas l’auteur d’un seul roman. Reste à attendre son 3ème opus qui devrait clore sa fresque de la Farset en maintenant son acuité sur le devenir de chacun de ses personnages riches et humains à moins qu’il ne prenne des chemins de traverse pour nous conduire vers d’autres destins…
Stuart Nevlille – Collusion – Rivages 2012