Dans le second opus des enquêtes de la K11 de Francfort, Nele Neuhaus abandonne l’histoire particulière de son pays au profit d’une histoire universelle, résumée ici dans les vicissitudes d’un bourg rural où cupidité, avidité, jalousie, obsession et amour constituent les ingrédients d’un drame qui mijote depuis des années. « Blanche-Neige doit mourir » est une histoire qui aurait pu se produire n’importe où, les caractères dont Nele Neuhaus affuble ses personnages sont très représentatifs de notre espèce humaine, chacun peut se retrouver en chacun, la trame même du récit correspond au quotidien. Beaucoup de sentiments sont décrits avec justesse, aussi bien pour ses deux personnages centraux que sont Pia Kirchhoff et Bodenstein, que l’on retrouve un an après leur enquête narrée dans « Flétrissure« , que pour leurs collègues de la section 11 de la kripo (Kriminalpolizei) de Francfort et les habitants d’Altenhain où se déroule l’essentiel de l’intrigue.
Tobias Sartorius retourne à Altenhain après avoir purgé dix ans de prison pour meurtre. De ce simple fait, banal, le retour d’un homme condamné par la justice sur son lieu de vie, mais aussi sur le lieu d’un drame auquel il a participé, Nele Neuhaus déroule une myriade d’événements, qui tous, paraissent normaux. Donc, ces événements nous affectent, car, ils auraient pu nous arriver. L’histoire se déroule à quatre kilomètres de Königstein im Taunus, site maintes fois cité dans « Flétrissure », autant dire que Nele Neuhaus semble très attachée au Taunus, région collinéenne et boisée au nord-ouest de Francfort, qui rassemble nombre de villages, devenus banlieues résidentielles. Cette histoire aurait pu tout aussi bien se passer chez nous où chez vous. À Altenhain, tout le monde se connaît, liés par la famille, les affaires, les amours, les emmerdes, les secrets, les complicités. En dix ans, les personnages ont évolués, certains se sont rapprochés, certains ont la main-mise sur la communauté villageoise, d’autres, au contraire, ont été mis au ban de cette communauté et tout cela par la faute d’un drame qui a semble-t-il coûté la vie à deux jeunes filles de dix-sept ans, bien connues de Tobias Sartorius.
Une véritable sociologie des mœurs humaines, où les secrets pèsent lourds, mais vont peu à peu se dénouer par la découverte d’indices actuels sur lesquels enquête la K11, qui, malgré un effectif diminué par les absences et les conflits internes, va peu à peu retracer l’histoire vieille de dix ans qui explique les faits actuels.
Bien qu’ils soient nombreux, chaque personnage possède sa profondeur, son histoire, sa passion et ses références, « Blanche-Neige doit mourir » est riche de tous ces portraits, tellement vraisemblables qu’ils en paraissent réels, voisins, proches. On se retrouve face à à soi, avec une atmosphère prenante, un peu comme dans « Derrière la haine » de Barbara Abel, avec cependant plus d’ampleur, car projeté dans une histoire plus foisonnante avec beaucoup d’imbrications.
Décidément, Nele Neuhaus révolutionne le noir allemand, s’inscrit parmi les nouveaux auteurs de polars qui savent que le noir est une littérature pleine et entière comme l’affirmait déjà JP.Manchette en son temps. J’ai pris beaucoup de plaisir à dévorer ce deuxième roman noir de Nele Neuhaus et suit dorénavant accro aux enquêtes de Pia et Bodenstein.
Nele Neuhaus est une brillante sociologue, décrivant les mœurs humaines avec beaucoup de talent et une langue magnifique, une nouvelle venue dans le monde du noir germanique, mais qui, en deux titres, s’impose comme une des meilleurs auteurs du genre.
Nele Neuhaus – Blanche-Neige doit mourir – Actes Sud 2012
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