●●●○○ Grande dépression au royaume du Danemark

Dybt at faldeDan Sommerdahl, publiciste en dépression, devient détective sous les doigts de Anna Grue dans ce premier opus « Dybt at falde » (chute profonde, grosse déprime…). Une fois encore, la ligue des éditeurs aux traductions de titres les plus mauvaises a brillamment frappée en intitulant le bouquin « Je ne porte pas mon nom ». Vous allez me dire que le danois n’est pas forcément la langue la plus enseignée dans nos contrées ! Certes. iIl n’empêche, je ne sais si cela tient du hasard ou d’un complot diabolique, mais les derniers polars que j’ai lu ont un titre français abominable et souvent minable. Mais revenons à l’histoire de ce thriller politique. Christianssund, ville prospère, bourgeoise et profondément luthérienne conjugue la paix de ses habitants avec leur profonde hypocrisie. À partir d’un crime au sein d’une agence publicitaire (parangon du faux-semblant), le commissaire Flemming Torp et son allié impromptu et chauve, Dan Sommerdahl, vont dénouer un trafic de blanches et déboulonner les dernières vertus de nos démocraties européennes, le tout avec précision et délicatesse. Hormis la scène de meurtre initiale, tout paraît normal, un cadre stressé fait un burn-out et déprime, un patron séducteur trompe sa femme, des femmes de ménages se font exploitées, il neige en novembre et les familles se préparent pour Noël… rien de bien nouveau sur l’Europe du XXIème siècle et puis peu à peu derrière l’atmosphère douceâtre quelques réalités apparaissent : certaines femmes de ménages seraient des prostituées en fuite, sans papier, certains bénévoles qui les aident au nom de la morale bien pensante seraient leurs exploiteurs, certains policiers seraient hors-la-loi. Au fur et à mesure que des faits réels sont dévoilés, on perçoit toute la morale que souhaite dénoncer Anna Grue. Cela se passe à Christianssund, le pseudo idoine (traduction littérale « le chrétien en bonne santé ») d’une des villes de la lointaine banlieue aisée de Copenhague, les descriptions de la ville et de ses environs sont pointues, mais nous avons là, une histoire universelle : il ne suffit pas d’aider les gens que l’on exploite de manière hypocrite, l’être humain est un loup pour l’homme, cela est avéré, regardons la réalité en face, acceptons-là ou… comme disait un autre danois célèbre « être ou ne pas être ». C’est fort, on passe de scènes familiales d’un ennui coutumier aux scènes d’actions dignes des meilleurs polars américains, dans l’ambiance feutrée d’un pays enneigé, le tout non dénué d’humour noir « Sa paupière tressautait comme s’il s’était agi d’un corps étranger prêt à se désolidariser du reste pour ouvrir sa propre filiale. »
Dan Sommerdahl est donc à suivre dans les prochains romans d’Anna Grue, non encore traduits à l’exception du « Baiser de Judas » paru cette année chez Gaïa, et qui, j’espère continueront à dessiller notre regard sur notre société trop propre.

Anna Grue – Je ne porte pas mon nom – Gaïa 2010
Il s’agit d’une réédition, ce roman est sorti en 2007 aux éditions du Seuil.

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