Harry Hole revient à Oslo, non plus comme flic alcoolo, mais comme beau-père sobre et mal fringué. Le fils de son ex, Oleg, a été arrêté pour le meurtre d’un dealer. Jo Nesbø nous entraîne dans toute l’intimité de son héros, mêlant ainsi à l’intrigue policière les sentiments de Hole, ses questionnements, ses afflictions, ses addictions. En même temps, il décrypte l’évolution de sa ville, aussi bien sur le plan de l’urbanisme que sur celui de sa société. Oslo ressort en portrait de métropole, pas si différente des autres villes de la planète, avec, certes, ses beaux quartiers, ses anciens quartiers, son foisonnement d’espaces verts, son port et son quartier d’affaires, mais aussi ses ghettos, ses hôtels borgnes et ses usines abandonnées. Ce qui est mis en avant est surtout l’évolution d’Oslo, le clivage amplifié entre sa classe dominante composée comme partout d’affairistes, de femmes et d’hommes de pouvoir et le citoyen lambda qui se démène pour sortir la tête de l’eau. Ajoutons à cela le très beau portrait d’une jeunesse déboussolée et celui d’un Hole dans sa pleine maturité mais tout aussi sans cap…
Pour revenir à l’histoire, Nesbø reste dans une intrigue très classique entre mafia de l’Est, flics et politicards très propres sur eux en surface et sales en-dessous, alcool, drogues et trafic en premier plan, mais là n’est pas l’essentiel qui réside dans le paysage turbulent des histoires d’amour et d’amitié et leurs pendants. Hole traverse vraiment sa ville comme un « Fantôme » ; il est au fond du trou, comme il ne l’a jamais été, même au plus profond de sa plus grosse cuite. À savourer comme un bon Islay, tourbé et iodé à perfection.
Jo Nesbø – Fantôme – Gallimard 2013