Le scorpion est cet animal qui a la fâcheuse tendance de vous détruire avec sa queue. Loin de cette fantaisie arachnophile, « La mort du scorpion » nous entraîne avec cette métaphore sur les traces d’un lucratif trafic, d’un massacre abominable et d’une vengeance brûlante. Toujours aussi à l’aise pour dénoncer les horreurs de l’âme humaine et ses lâchetés, Maurice Gouiran construit une enquête menée par ses personnages habituels, Clovis, le désormais ex-journaliste et Emma, fliquesse de son état, sur les actes et les conséquences de la dissolution du pays des Slaves du Sud. La France, terre d’asile (?), Marseille, port d’accueil, regroupe quelques anciens criminels de guerre, dont certains ne sont pas étrangers aux massacres de Srebrenica et d’autres villes bosniaques. Ces criminels ont pour certains trouvé emploi dans la mafia locale, bien implantée comme chacun sait. À partir d’un corps calciné échoué dans une calanque, Gouiran va dérouler une intrigue forte qui successivement va aborder les thèmes du grand banditisme, du blanchiment d’argent par le marché de l’art (en démontant, pièce par pièce, le mécanisme), du mal-logement, du recyclage d’anciens nervis… pour aboutir à une dénonciation qui nous claque à la figure, l’oubli du plus grand massacre européen commis dans les vingt dernières années. Encore une fois, le lecteur est captivé de bout en bout, relis son passé et l’histoire européenne, réapprend que la mémoire s’entretient et constate que malheureusement, nous ne réagissons toujours pas quand un massacre organisé n’intervient pas devant notre paillasson ou dans une terre démunie de pétrole ou autre richesse…
Une écriture toujours juste, des personnages riches : une comtesse hongroise lointaine descendante d’une serial killer, un pinailleur de couleur qui se prend pour un artiste, un véritable artiste qui n’en est pas un, un richissime russe qui fraye avec la pègre locale et surtout un ours mal léché amateur de jaunet, de whisky et d’une jolie pépée, malgré les horreurs dénoncées, on rit pas mal. J’oubliai, il vous faudra attendre la fin du récit pour savoir pourquoi je parlais de métaphore au début de cet article !
Maurice Gouiran – La mort du scorpion – Jigal 2013