●●●●○ La nuit vient de commencer

« La nuit vient de commencer » est le second roman de Morten Hesseldahl. La nuit a ici une consonance particulière, il ne s’agit pas seulement de la nuit de Copenhague, mais bien de la nuit de l’humanité. Un roman très noir, très social, politique, bref du rock, du pur.
C’est un portrait assez fidèle de notre société capitaliste, admise comme modèle global. Quatre personnalités sont suivies au travers de cette histoire, un activiste idéaliste qui n’a rien compris au système actuel et qui s’en va jouer l’otage aux mains des FARC, un homme d’affaires industriel très vieille Europe, quelque part aussi idéaliste (d’un monde plus paternaliste), un requin de la finance et des affaires totalement égocentrique en lien avec la mafia colombienne et un jeune musicien, connecté au système même s’il refuse d’en emprunter les rails et qui semble avoir les pieds sur Terre… Ces quatre personnes ont en commun d’être en déséquilibre, chacune entre leur idéal et leur réalité. L’activiste découvre que les FARC n’ont plus que faire de l’utopie socialiste, l’homme d’affaires s’aperçoit que sa propre société est pilotée par d’autres et que sa vie familiale continue sans lui, le requin de la finance se rend compte qu’il ne maîtrise que superficiellement sa brillante réussite et le musicien que l’on ne peut vivre que d’amour et de musique. Les liens entre eux semblent ténus au début de l’histoire, mais peu à peu, tout le schéma se met en place, grâce à un excellent scénario et de personnages « secondaires » tout aussi riches que les précédents.
Copenhague nous est décrit comme une synthèse du Danemark et de l’Europe avec un ton très politique, New-York n’apparaît qu’à la transparences de baies vitrées, le Colombie se réduit à la jungle des guérilleros, et tous ces lieux transpirent la fin. Morten Hesseldahl aborde quantité d’aspects du Danemark, y compris les plus sombres comme certaines coopérations avec l’Allemagne nazie, mais aussi cette volonté de faire le bien aux dépens des autres, on sent le protestantisme à plein nez, rien n’est omis et surtout pas les extrémismes de tout bord dont les objectifs ont parfois tendance à se rejoindre (excellente description des européens bien pensants partisans des FARC et du FLP avec une naïveté touchante). On est à Copenhague, on est dans le monde global où chacun donne son avis sur tout en cliquant sur une pétition ou « j’aime », totalement déconnecté de l’histoire et de la culture, sans recul, dans le fabuleux monde binaire issu de la politique d’après-guerre des États-Unis d’Amérique où tout est blanc ou tout est noir.
La moralité de cet excellent polar social est que le capitalisme conduit notre société humaine à sa faillite, que l’on soit danois, colombien ou simplement terrien, mais que nulle solidarité n’émerge réellement dès lors que l’argent est en jeu. Notre égoïsme nous perdra… Très bon bouquin, la fin est à l’image de tout le livre, la mort pour les plus naïfs, le pognon pour les plus « terre à terre » et la fuite en avant pour ceux qui ne renoncent pas à leur idéal.

Morten Hesseldahl – La nuit de vient de commencerGaïa 2011

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