Adrian Hyland poursuit les aventures d’Emily Tempest avec « La piste du Feu ». Le décor reste inchangé, après « Le dernier rêve de la colombe diamant », Hyland nous ramenant entre bush et outback australien, dans la cité imaginaire de Bluebush et ses environs. Dans cet univers de survie, un homme est tué. Doc, ancien géologue, est retrouvé mort avec un pic de mineur planté dans le buffet, à deux pas du rade d’ivrognes qu’il arpentait en compagnie de son meilleur ennemi, Sans-Fil. Deux pochtrons, ferraillant au sujet de la construction du monde, un mort, un soupçonné, l’enquête eut pu faire long feu pour les premiers pas d’Emily Tempest en demi uniforme de policière. Sauf, que derrière tout cela, Hyland montre le fossé qui sépare encore blancs et aborigènes, les idées préconçues de part et d’autre, la longue descente aux enfers dans la misère et l’alcoolisme des peuples aborigènes, la longue descente aux enfers dans l’affairisme et la misanthropie de l’homme blanc. Emily Tempest est une héroïne quelque peu utopique, orpheline et métisse, constamment balancée entre son devoir envers les siens, la volonté de calmer leurs ardeurs destructrices, l’obligation de créer des liens entre les communautés, tout en se montrant déterminée à dénouer les fils de l’intrigue. C’est une héroïne magnifique qui souffre tout au long de l’histoire, histoire dans l’Histoire qui montre la destruction permanente de la cosmogonie aborigène par l’homme blanc, en premier lieu l’environnement. Les exactions des compagnies minières, les enfouissements de déchets polluants, les interventions de l’église, le racisme permanent, sont abordés de front, dans un langage cru quand il le faut, châtié et travaillé ailleurs quand il s’agit d’évoquer la beauté ou la culture du pays. Doc avait une théorie où fusionnaient volcans et glaciers, Jet, réfugiée tibétaine traduit la pensée en dessin, Danny cherche son équilibre, Andulka est un mythe vivant et Emily poursuit comme chacun ses propres rêves, sa destinée ; chaque personnage possède son épaisseur, sa justesse et sa ligne et participe de la richesse de ce roman.
L’enquête va peu à peu se révéler plus complexe que celle d’une simple rixe qui aurait mal tournée, l’excellente connaissance des mœurs aborigènes et de la géomorphologie des Territoires du Nord de Hyland permet à ce dernier de nous faire vibrer à chaque page en suivant « La piste du Feu », mais ne nous rassure pas sur l’état de la planète. Adrian Hyland pose ses pas dans ceux d’Arthur Upfield, avec modernité et grand talent. Longue continuation aux enquêtes d’Emily Tempest, pour à nouveau dévorer plus de quatre cents pages en quelques heures.
Adrian Hyland – La piste du Feu – 10/18 2012