Raúl Arcemi nous balade à fond d’express antédiluvien au cœur de la Patagonie, sur la Trochita, le tortillard andin, aujourd’hui en voie de disparition. Dans ce tortillard ont pris place deux aventuriers néophytes, un marin et un conducteur de métro, porteños, sur les traces de Butch Cassidy et de Juan Bautista Bairoletto. De fait, les deux amis prennent les identités des deux bandits, l’un se référant à une soi-disant filiation et aux cahiers de son « grand-père » pour le guider sur l’attaque du train, l’autre plus proche de l’esprit qu’animait le célèbre anarchiste argentin. Raúl Arcemi s’amuse de la proximité des deux « héros » et de leurs doubles, rappelant au passage le mythe d’un Cassidy survivant, jouant avec la culture littéraire latino-américaine où l’on croise pléthore de personnages hauts en couleur, certains plus que centenaires à l’instar de ceux de « cent ans de solitude » et nous décrivant les mœurs et les travers de la société argentine, confrontée comme les autres à la mondialisation et aux appétits des ultra-libéraux. L’histoire récente de la Trochita est d’ailleurs un parfait exemple de ces travers. Parmi cette société argentine, les patagons andins restent à part, solidaires comme tous les peuples des montagnes et des hautes steppes, ils participent de l’aventure en mettant en œuvre leur savoir-faire, leur sérénité, leur joie de vivre et leur volonté d’aider les plus malheureux. C’est donc une aventure bariolée et bordélique dans laquelle nous entraîne Arcemi, qui montre qu’une simple attaque de train pour délivrer un prisonnier peut s’avérer extrêmement délicate à mettre en œuvre quand le train en question abrite un commissaire de police, une femme enceinte, un yougoslave déboussolé, une troupe de touristes, une nymphomane, un prisonnier décérébré et philosophe… et est la proie d’un homme politique qui souhaite s’en servir pour sa campagne électorale. Ajouter à cela des nuits glaciales, des journées caniculaires, des chutes de neige et de pierres, des paysages de rêve et vous aurez un aperçu de ce roman ferroviaire. Le final est détonant comme il se doit dans toute aventure picaresque, la balade était belle, me restent les images, les sons et les couleurs en refermant ce polar de haute volée !
Raúl Arcemi – Patagonia Tchou Tchou – Rivages 2010