●●●●○ Simenon à Santiago

Ramón Díaz Eterovic nous narre d’une très belle écriture l’histoire de Santiago et du Chili entre 1970 et aujourd’hui. Chacune des enquêtes d’Heredia, aidé de son chat Simenon (philosophe, noctambule, gros dormeur et gastronome), consiste à relier présent et passé au travers des histoires de personnes ordinaires, partagées entre utopie collective et désir personnel.
Chacune de ces histoires se passe à Santiago, nonobstant quelques escapades. Santiago et ses mutations qu’Heredia décrit, quartier après quartier, rue après rue, bar après bar. Car Heredia boit et fume beaucoup, cherche les solutions dans les bars, les boîtes de nuits, en un mot reste un noctambule même si la journée est consacrée à bien se restaurer, jouer aux courses de chevaux et refaire le monde avec les mêmes protagonistes.
Car « Santiago reste un village plein de ragots où on invente ce qu’on ne sait pas« . De manière récurrente, les enquêtes menées par Heredia trouvent leurs solutions grâce aux réflexions philosophiques Simenon, « son reste de conscience », et aux conversations qu’il a avec tous les personnages de son quartier, anciennes ou actuelles prostituées, patron de café, écrivain, journaliste, vendeur ambulant, gérant de kiosque et turfiste… Heredia est désabusé par les changements de sa ville, par le manque d’idéalisme de ses citoyens et nourrit une très forte nostalgie de l’espoir Allende. Heredia n’est pas seulement le miroir de Ramón Díaz Eterovic, il est sans doute Ramón Díaz Eterovic. Comme son héros, Ramón Díaz Eterovic est fils de d’ouvrier, a été à l’université du Chili, a milité au Parti communiste, a été séquestré par la police politique de Pinochet… Ramón Díaz Eterovic est aussi un déçu du Movimiento Democrático Popular, le parti qui permit de restaurer la démocratie au Chili, mais qui participa aussi à transformer le Chili en modèle d’ultra-libéralisme. Pour en savoir plus, lisez l’interview réalisée par Christophe Dupuis en 2004. Depuis Ramón Díaz Eterovic est venu en Europe, en France où il participait à la conférence « Les Amériques du polar – le roman noir, du Québec au Chili » organisé lors de l’édition 2011 de Quai du Polar.

J’ai découvert Ramón Díaz Eterovic avec « La couleur de la peau » où Heredia traque le racisme ordinaire au sein des quartiers populaires de Santiago où péruviens et chiliens se disputent les reliefs de la misère quotidienne, puis lu la dernière des aventures d’Heredia -« L’obscure mémoire des armes« – (excellent polar, dans mon top 5 de 2011) où le présent côtoie le passé de très près et ses fantômes encore bien vivants… et ces jours-ci « Les yeux du cœur » où un traître essaye de fuir son passé. Dans « Les yeux du cœur », Heredia replonge 25 ans en arrière, dans ses années de fac, quand le régime de Pinochet se mettait en place aidé des « gringos » et dénoue peu à peu le vrai du faux en reniant certains sentiments… « Ce qui est agaçant dans l’amour, c’est qu’il s’agit d’un crime qui a besoin d’un complice« .
Seulement cinq enquêtes d’Heredia sont parues chez Métailié. On attend les autres avec impatience car le personnage existe depuis 1987 et « La Ciudad está Triste« , première de ses aventures. Les titres des romans – bien traduits, ce qui reste rare – sont magnifiques et donnent envie d’eux-mêmes.

Ramón Díaz Eterovic
Les sept fils de Simenon – Métailié 2001
La mort se lève tôt – Métailié 2004
Les yeux du coeur – Métailié 2007
La couleur de la peau – Métailié 2008
L’obscure mémoire des armesMétailié 2011

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