Ahmed Khaled Towfik nous assomme d’un uppercut idéalement placé. Il imagine avec « Utopia », le monde de demain, celui qui nous tend les bras dans un futur quasi-immédiat, en 2023, au Caire. L’histoire est universelle, celle du clivage de plus en plus programmé entre ceux qui possèdent et ceux qui sont possédés. En dix ans, le pétrole est devenu obsolète bouleversant la géopolitique, les riches se sont enrichis, les pauvres appauvris, discours en phase avec notre présent… Les riches ont érigés des barrières, une gentrification aboutie, où les pauvres, « les Autres » n’ont d’autre droit de regard que celui d’être asservi. Sur la côte nord de l’Égypte, une colonie de riches, « Utopia », avec centre commercial, aéroport et luxueux palais, s’ennuie, protégée par des troupes héliportées de mercenaires.À quelques encablures désertiques, la mégalopole du Caire regroupe des millions de démunis de tout. Plus rien ne fonctionne, chacun se bat pour un bout de pain. Une image d’un moyen-âge avec des serfs et des rois. Les seuls appauvrissements partagés entre ces deux monde sont ceux de la culture et de la solidarité. Vissée dans des paradis artificiels, la jeunesse des deux mondes va s’affronter…
Ahmed Khaled Towfik frappe fort avec une écriture ciselée, saignante, directe. Une bonne claque dans notre monde. À suivre assurément.
« Utopia », Un roman noir, plus qu’immoral, amoral qui dérange car il n’est qu’une métaphore de notre temps. Nul doute qu’Ahmed Khaled Towfik se soit inspiré de la réalité universelle, on espère juste qu’il ne soit pas prophète en son pays… ni en le notre.
Ahmed Khaled Towfik – Utopia – Ombres noires 2013