Quel titre ! le résumé d’un pays, la Mongolie, une entrée chuintante comme un vent de steppe, une finale qui claque comme un coup de fouet et au milieu, l’inconnu. Déjà évoquée au travers « Des myrtilles dans la yourte« , la Mongolie revient plein champ dans le monde du polar, grâce à Ian Manouk et donc, « Yeruldelgger ». Une histoire pleine, dense, qui nous narre un pays coincé entre traditions ancestrales très présentes et colonialisme moderne imposé par les puissances voisines, Russie, Chine, Corée du Sud. Au milieu, un inspecteur dont l’histoire personnelle influe la conduite des enquêtes qu’il mène, le corps d’une fillette retrouvée en pleine steppe, les corps de chinois flingués dans un entrepôt d’Ulan-Bator… Manouk réussit la synthèse des différentes Mongolie, le pays du vent et du mouvement, et l’antithèse de cela, le développement absurde de sa capitale, où les nomades s’agglutinent dans les quartiers de yourtes pour les plus chanceux, dans les souterrains abritant les conduites d’eaux et de gaz pour les plus démunis et où les plus riches prospèrent à l’abri des mafias russes et chinoises. Il réussit surtout à faire de son inspecteur Yeruldelgger un personnage fort, ancré dans les traditions, maîtrisant les vulgarités du capitalisme international plaqué sur un soviétisme dépérissant, les deux pieds dans la terre et les semelles au vent. Les autres personnages sont tout aussi riches, qu’il s’agisse de son amour de légiste, de sa fidèle lieutenante, ou du « Gavroche » local.
Une œuvre très sympathique, qui se lit en trois temps, un départ sur les chapeaux de roues où les idées fusent, un long moment de solitude qui permet de recentrer le débat et un final pétaradant. Polar très intéressant, moins contemplatif que « Des myrtilles dans la yourte », différent et complémentaire. On sent l’investissement complet de « Manouk » qui en a même « asiatisé » son patronyme !
Ian Manouk – Yeruldelgger – Albin Michel 2013